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Chapitre 25 : Vie sans but
Assis dans son rocking-chair, Zeus laissa son esprit vagabonder. Il le laissa vagabonder des années en arrière, lorsqu’il était tombé sur cette maudite terre. Il le laissa vagabonder encore plus loin, en des temps immémoriaux, où il avait combattu son père et était devenu le dieu des dieux, un dieu dur, mais juste. Tant de choses, de légendes avaient été racontées, jusqu'à ce que les mortels ne cessent de croire en l'existence des dieux. Toutes ses légendes, tous ces mythes à propos de lui, tout ce qu’il avait fait et vécu… Ici il n’était rien. Jamais on ne parlera de lui après sa mort. Tout le monde l’oubliera. Il ne fera qu’attendre dans les méandres des Enfers le jour où son éclair sera reconstitué. Pour l’instant, il était le maire de cette ville. Mais au fond, ça ne signifiait rien.
Rien du tout.
Il était las de cette vie de mortel, las de cette vie de disputes et inutile.
La mort… Il l’attendait, en vérité. Il attendait le jour où, honteux, il se retrouverait, inférieur, devant son frère aux Portes des Enfers. Il se moquera de lui, mais peut-être qu’il saura enfin. Peut-être qu’il saura qui était le traître. Et même s’il ne pourrait rien contre lui, il pourrait nourrir une haine de plus en plus démesurée envers lui, pour mieux le vaincre quand le moment sera venu.
Alors il attendait là, sur ce rocking-chair, que la mort le prenne.
Pendant ce temps, Hestia était rentrée de son premier jour de travail. En la voyant, Clio se sépara de son ordinateur et de ses écrits et lui posait déjà plein de questions :
- Alors ? Raconte ! Comment c’était ? Qu’est-ce que tu as fait ? Et tes collègues ? Ça te plaît ?
Elle était excitée comme jamais, beaucoup plus qu’Hestia, qui ne savait pas quoi dire face à l’enthousiasme de Clio. Globalement, elle avait été satisfaite d’elle-même, elle était contente de travailler, de faire quelque chose et se sentir utile ailleurs que dans la maison familiale. Mais elle ne se sentait pas encore intégrée à cette société dont elle était spectatrice depuis son bannissement. En vérité, c’était la première véritable fois où elle allait se retrouver à long terme en société. Et pas seulement pour faire les courses dans l’épicerie du coin. Sur une journée, ça ne s’était pas si mal passé. Mais que se passera-t-il dans plusieurs semaines ?
Depuis plusieurs jours, le ciel ne semblait pas vouloir se défaire de son drap fait de nuages gris, donnant à Clio une excuse pour se convaincre elle-même qu’elle ne pouvait sortir et devait rester enfermée devant son ordinateur et son livre. Évidemment, son livre avançait de ce fait beaucoup plus vite qu’elle ne l’avait imaginé, mais rester cloîtrée chez elle n’avait jamais été bon pour Clio. D’ailleurs, tellement prise dans ses écrits, elle s’était quelque peu éloignée des habitants de la villa, laissant Hestia à son nouveau travail qui semblait la convenir, Andreïs à ses photos et Zeus à sa vie.
Seulement le grand air lui manquait, ainsi que se dépenser. Elle avait toujours été une sportive. C’est pourquoi elle planifia une sortie à la salle de sport avec son fiancé. Histoire de faire d’une pierre deux coups. Courir et passer du temps avec lui.
- Tu sais, le sport et moi, ça n’a jamais été trop ça… Ça ne te dérangerait pas que je rentre faire mes photos ?
- Non, vas-y…
Il partit en la laissant seule avec ses pensées. Depuis leur retour d’Égypte, le couple passait de moins en moins de temps ensemble, Clio obnubilée par son livre, Andreïs par ses photos. Elle n’arrivait pas à douter de la force de leur couple, c’était impensable pour elle, mais elle savait que les choses ne pouvaient pas continuer dans ce sens. Elle se mit à nager, pour éviter de trop penser.
La jeune femme sauta même le repas, prétextant qu’elle n’avait pas faim et qu’elle était trop fatiguée. Ce qui laissa alors pour Hestia le champ libre de parler du futur mariage, s’il arrivait un jour, à celui qu’elle considérait comme son gendre.
- Je ne sais pas encore quand nous allons le faire… Nous n’en avons pas vraiment parlé en fait…
- Quand je serais mort, lâcha froidement le dieu déchu.
- Zeus !
- Quoi ? Demandez-lui, à la gamine. Elle attendra ma mort, elle ne veut pas de moi à son mariage.
- Comment pouvez-vous dire une chose pareille ? demanda le jeune homme, extrêmement gêné.
- Parce que je la connais.
Devant leurs mines interdites et silencieuses, il continua :
- On m’a toujours reproché d’être un mauvais père, et je le suis sans aucun doute, j’en suis certain, mais il n’empêche que la petite, je la connais. Je suis pas son père pour rien, elle me ressemble beaucoup plus que vous ne le pensiez. Deux personnes ayant le même caractère ne s’apprécient généralement pas, là est souvent la cause de nos disputes. Elle ne me pardonne pas car je ne pardonne pas. Elle me sanctionne car je sanctionne. Et dans sa fermeté pareille à la mienne, elle attendra ma mort.
Hestia, pas plus qu’Andreïs, ne sut quoi répondre. Cette conversation était tellement inhabituelle, jamais Zeus ne s’était dévoilé ainsi, avait parlé de sa fille ainsi.
Zeus se leva, rangea tranquillement sa chaise et quitta la pièce, sans que personne ne puisse dire quoi que ce soit.
Les journées passèrent et laissèrent peu à peu place à l’automne et ses feuilles colorées qui jonchaient le sol. Il était grand temps pour la muse de passer à la récolte avant que le grand froid n’arrive et que ce soit la neige qui jonche le sol.
Ce soir-là, Andreïs chassa les doutes de sa fiancée en l’invitant le lendemain à passer une journée en amoureux au festival d’automne, où elle n’avait jamais mis les pieds. Les choses ne changeaient pas du tout au tout, c’était sûr, mais au moins, ils seraient ensemble et pas occupés par leur passion respective.
Le festival n’existait que depuis très peu d’années, et jamais Clio n’avait eu la véritable opportunité d’y aller. Car, bien qu’elle fût devenue beaucoup moins timide après sa libération de la cage mentale de la poupée, elle n’était de toute évidence pas faite pour cette société et côtoyer des gens comme une personne normale. Ses relations se limitaient à l’amour d’Andreïs et la complicité d’Hestia et elle évitait toujours les situations où elle devait être en contact avec une autre personne.
Mais aujourd’hui, elle avait envie de passer la journée avec son futur mari, même s’il fallait être entouré.
Le couple testa de nombreuses activités qui étaient proposées, dont le croque-pomme. Jamais aucune pomme ne voulut rester entre les dents de la jeune femme, ce qui déclencha à la fois fou rire et plainte. Elle n’avait pas ri comme ça depuis longtemps et cela lui faisait du bien, de rire, d’être avec Andreïs…
- J’ai perdu…
- C’est pas grave mon amour, au moins c’était amusant, la consola-t-il.
Elle sourit. Après tout, il avait raison c’était tout ce qui comptait.
Ils testèrent même le manoir hanté à la tombée de la nuit, dont Clio sortit en courant, persuadée que quelque chose l’avait touché, Andreïs hurlant de rire à sa suite.
Puis la journée se termina lentement, tandis que le soleil disparaissait derrière l’horizon. Les deux amoureux avaient passé une magnifique journée au festival d’automne, et se promirent de revenir un jour, peut-être à une autre saison.
Cependant, la journée était peut-être finie, mais pas la soirée. C’est ainsi qu’ils partirent tranquillement en direction de la ville, dans l’un des meilleurs restaurants du centre.
~*~
Ce fut ce moment-là, loin des siens, dans la grange abandonnée, que Zeus décida de quitter les mortels pour rejoindre le royaume des dieux. Le temps de l’oubli était arrivé, mais il accueillit la mort comme une vieille amie, réjoui, bien qu’un peu sceptique de ce qui pouvait bien se passer ensuite, qu’elle arrive enfin. Parce que le temps de vérité arrivait également. La fin de la souffrance de vivre sur cette terre. Des décennies passées ici, mais il ne comprenait toujours pas les mortels et leurs habitudes, leur joie de vivre dans un monde si abject. Un monde dont il était heureux de quitter enfin pour toujours.
Il pensa tout de même à sa fille durant ces derniers instants. Il partait heureux, mais pas sans regrets. Il avait fait de nombreuses erreurs, beaucoup trop pour qu’on puisse les lui pardonner un jour, et jamais sa fille ne pensera à lui plus tard. Il savait qu’en apprenant sa mort, elle l’oublierait immédiatement, pour ne plus jamais penser à lui, ni même à cette histoire de prophétie. Il s’en remettait donc à Hestia pour la remettre dans le droit chemin, afin que les neuf muses puissent voir le jour et réparer son éclair, pour que l’ordre des choses soit rétabli.
Il pensa aussi à la voix, qui l’accompagnait au début et qu’il avait chassée. Jamais il ne l’avait entendu de nouveau depuis, et elle ne reviendrait jamais. Ça aussi, il l’avait mérité. Il était désormais temps de partir à jamais. Dire adieu à cette vie dont personne ne se souviendrait.
- Clio ?
Hestia cueillit la jeune femme à peine sortie du lit.
- Hestia ? Il y a un problème ?
- Je ne trouve pas ton père, il est nulle part dans la maison, ni dehors et il ne travaille pas aujourd’hui. Ce n’est pas dans son habitude de sortir si tôt quand il ne travaille pas. Tu ne saurais pas où il est ?
- Pourquoi je le saurais, Hestia ? demanda Clio avec une légère pointe d’ironie.
- Je n’en sais rien…
Hestia était perdue, et elle s’inquiétait. Il n’était jamais arrivé qu’elle ne voit pas Zeus le matin au réveil, ou qu’ils n’aient pas une petite discussion sans intérêt sur les mortels. De plus, il parlait et pensait beaucoup à la mort ces derniers temps, et elle avait peur qu’il ne lui soit arrivé quelque chose.
- Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Andreïs qui avait entendu la conversation par brides à travers la porte de la chambre.
- Zeus a disparu.
- Et tu t’en inquiètes ? s’étonna-t-il.
- Non, bien sûr que non, mais Hestia si…
Sur ce, la muse retourna à ses écrits, tandis qu’Andreïs, s’inquiétant tout de même pour le dieu déchu, aida Hestia dans ses recherches.
La grange restait le dernier endroit où ils n’avaient pas cherché. La déesse rouge redoutait ce qu’elle pouvait y découvrir. Connaissant Zeus, ce serait bien un endroit parfait pour venir y mourir, un endroit isolé où personne ne venait jamais. Endroit parfait pour mourir. Mourir… Elle espérait de tout cœur se tromper, même si elle n’aimait pas vraiment Zeus. Il l’avait aidé et recueillie alors qu’elle n’était plus rien. Elle lui était à jamais redevable et elle ne voulait pas le trouver mort.
Assis nonchalamment sur les comptoirs de la cuisine, les fiancés parlaient de tout et de rien, mais surtout de leur mariage qui arriverait un jour ou l’autre. Clio voulait attendre la mort de Zeus et Andreïs, grâce à la révélation de Zeus, le savait très bien.
- Il faut aussi qu’on parte dans un voyage de noces, que dis-tu de la Chine ? lança Clio tout excitée par un voyage.
- Pourquoi pas, c’est beau la Chine il paraît, et est-ce que j’ai vraiment le choix…
- Non tu l’as pas, on part en Chine !
Depuis son retour d’Égypte, elle ne rêvait que d’une chose, repartir. Découvrir encore et encore. Andreïs, lui, s’amusait de l’enthousiasme de sa compagne.
La discussion allait bon train, jusqu’à ce qu’Hestia les coupent, porteuse d’une mauvaise, ou bonne, nouvelle.
- J’ai retrouvé Zeus, mais…
Elle n’arrivait pas à finir sa phrase.
- Mais… ? s’impatienta Clio.
- Il… est mort.
Clio, sous le choc de la nouvelle annoncée abruptement, se leva et contempla le vide. Zeus mort…
Zeus mort…
Elle ne savait même pas comment réagir, si elle devait hausser les épaules ou… Alors elle ne réagissait pas.
Zeus mort…
J'ai failli publier sans un petit mot. Déjà joyeux Noël. Bah oui, quand même.
Deuxièmement, désolée. Désolée pour ce retard énorme dont j'ai honte. Deux mois, c'est énorme, désolée, surtout que je n'ai pas d'excuse à part ma flemme... Parce que les photos, je les ai, et le temps aussi. Donc si vous me suivez toujours, merci, merci beaucoup, parce que franchement, j'abuse T.T
Allez, promis le chapitre suivant arrive plus vite. Surtout que j'ai déjà écrit deux trois trucs dessus.
Byou mes lecteurs adorés, et merci ♥
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