un jour je t'appelerai maman
Quand je rentre dans le bar, elle ouvre la bouche si grande que sa mâchoire semble se décrocher. Je souris, d’un sourire radieux, provocateur. Elle me reconnait, je le sais. Ça se voit dans son regard. Elle regarde mes cheveux, m’interroge du regard, mais je me contente de sourire. Elle ne dit rien, s’accoude contre le comptoir, penche la tête.
- Ferme la bouche, Nell, tu vas avaler une mouche.
Merde, ce genre de phrase craint vraiment. Mais c’est ce que j’ai pensé en la voyant.
- Pol ? elle fait.
- Bah oui, c’est moi.
J’avoue que j’exagère. Ça fait presque deux mois que je ne l’ai pas vue, que je ne suis pas revenue dans son bar, et pour cause : je n’étais plus en ville. Et je m’étais accessoirement débarrassée de mon téléphone portable. En partant avec Luana, je voulais laisser ma vie entière derrière moi. Du coup, Nell a sans doute cru que j’étais morte, que j’étais passée à l’acte. Après tout, ça aurait pu.
- T’as fait quoi à tes cheveux ? elle lance.
C’est marrant comme les cheveux font partie des choses qu’on remarque le plus rapidement chez une personne. Deux mois qu’elle n’a eu aucune nouvelle et la première chose qu’elle me fait remarquer, ce sont mes cheveux que j’ai raccourci et laissé reprendre leur couleur d’origine.
- Ce qui devait arriver arriva, j’explique. Ils étaient niqués par les couleurs. Alors j’ai fait ce qu’il fallait faire.
- Je vois… Bordel, Pol, mais t’étais où ? s’exclame-t-elle enfin.
À vrai dire, je m’étais attendue à cette question dès mon entrée dans son bar. Faut croire que je ne sais pas prédire les réactions des gens.
- Ah, c’est… c’est une longue histoire.
Une histoire que je n’ai pas envie d’oublier, pour une fois.
- Je t’offre un verre et tu me racontes.
- Ça me va !
Et je commence à raconter. Comment Luana m’a proposé de partir en week-end avec elle, comment on en a fini par partir pour plus longtemps, ensemble, comment on s’est embrassées pour la première fois. Les lieux qu’on a visités ensemble, ce qu’on a fait. Je ne lui raconte pas tout. Certains de ces souvenirs n’appartiennent qu’à nous, Luana et moi. C’est drôle, je pensais que rien ne me manquerait ici, en ville. Que je voulais me débarrasser de tout. J’avais tort. Parler pendant des heures à Nell, accoudée à son bar, enchaînant les verres, m’avait manqué, je réalise soudainement.
- Wouah, t’as vécu le rêve, elle lâche finalement. Partir en road trip avec ta copine. T’aurais pu me prévenir !
- Désolée, est le seul truc que je trouve à dire.
- Pourquoi vous êtes revenues ici ?
Je dois avouer que c’est une très bonne question. Après le festival catastrophique et notre discussion, tout allait parfaitement bien. Le road trip était encore mieux qu’au début, parce qu’on était encore plus proches l’une de l’autre, et j’ai pu trouver un semblant de solution quant au problème de ma mère, nous parcourrions le monde, dans notre voiture, dans notre tente, découvrions des endroits dont je n’aurais jamais soupçonné l’existence, mais il nous avait fallu rentrer. Elle me l’a annoncé un soir, à la fin du mois d’août.
- Je suis prise dans une école d’art.
Je n’ai tout d’abord pas compris ce que ça signifiait, avant qu’elle ne me dise que nous devions rentrer sur Bridgeport pour un minimum de trois ans. Elle avait eu peur de me l’annoncer, parce qu’elle savait à quel point j’avais voulu quitter cette ville, mais je sentais qu’avec elle, tout se passerait bien. C’était seulement trois ans. Après, nous irions où nous voulions. Sur son île. C’était pour ça qu’elle ne voulait pas y aller maintenant. Elle attendait ses résultats.
- Et toi, tu vas faire quoi ? demande Nell.
- Je vais me trouver un travail mieux que celui à l’usine et l’attendre.
- Pourquoi tu reprendrais pas des études toi aussi ?
- Tu rigoles ? Moi, des études ? Non, j’ai déjà donné, je suis pas faite pour ça. Et puis je suis trop vieille.
- Vingt-sept ans à peine.
- Eh, me vieillis pas, s’il-te-plaît. J’ai pas encore vingt-sept ans.
Elle lève les yeux au ciel.
- Meuf, t’as vingt-sept ans demain.
- Depuis quand tu connais ma date de naissance ?
- Je suis pas si nulle que ça, comme amie.
Woh, elle m’avait vraiment manquée, tout ce temps. J’ai toujours besoin d’être loin de quelque chose ou de quelqu’un pour réaliser à quel point je l’adore.
Vingt-sept demain. Je ne savais même pas quoi en penser. Il m’aura fallu vingt-sept ans pour trouver le début du bonheur. Pour trouver quelqu’un avec qui passer ma vie. Quelqu’un qui me comprend et m’accepte telle que je suis. C’est long, vingt-sept ans, quand on se souvient de tout. Quand on est malheureux. J’ai hâte de commencer à vivre, mine de rien.
Nelly m’offre mon verre pour fêter mon retour et je la remercie, avant de quitter son bar. J’ai dit à Luana que je ne rentrerai pas trop tard. Pour le moment, nous vivons dans mon ancien appartement, le temps de trouver autre chose d’un peu plus grand. C’est petit, tout de même, 18 mètres carré. Elle a commencé les cours depuis deux semaines et moi je décore un peu, j’essaye de prendre soin de moi. J’aurais pu aller voir Nell bien avant, mais j’avais un peu peur, parce que je me suis barrée dans dire un mot. J’avais un peu honte, à vrai dire.
- Hey, salut ! me salut Luana quand j’entre.
Elle est à la fenêtre, son carnet de dessin en main. Elle vient toujours se poser là pour dessiner, quand bien ce n’est pas confortable. Je ne la comprends pas trop, mais elle est jolie, ainsi posée contre la vitre. Son ombre se découpe toujours sur le sol et je peux l’observer pendant des heures.
- T’as reçu du courrier, elle m’annonce en désignant mon lit.
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Je ne reçois jamais de courrier, ou alors, ce sont des factures et auquel cas, Luana ne me l’annonce pas ainsi. C’est une lettre, que j’ai reçu. Et je sais de qui.
Après le festival, après avoir revu ma mère pour la première fois depuis tant d’années, on en avait conclu que je devais trouver une solution. Que je devais lui parler, avoir des explications, mettre les choses à plat. Bien sûr, je ne pourrais pas la voir, pas comme ça, je n’en aurais pas été capable, de toute façon, même si on avait réussi à l’approcher. Mais Luana avait eu l’idée d’une lettre. Euterpe en recevait sans doute des tas, et elle ne les lisait peut-être pas toutes, mais en voyant mon nom, on était sûres qu’elle lirait la mienne. Alors je lui ai écrit. Je lui ai tout sorti, tout balancé, je lui ai déversé ma haine, mais aussi mes regrets et mon affection secrète, espérant une réponse, pour m’aider, à aller mieux, à avancer. J’avais pensé trouver une lettre à notre retour à Bridgeport, mais rien. Apparemment, elle avait attendu mon anniversaire pour marquer le coup. Audacieux. Dommage que ce soit arrivé une journée trop tôt.
Même en m’y attendant, mon cœur rate un battement en voyant le nom d’Euterpe sur l’enveloppe. C’est bien elle. Elle m’a répondue. Elle va me parler, après tant de temps, je ne sais même pas quoi en penser. Luana s’est levée et enroule ses bras autour de ma taille, pour me donner du courage, je suppose. Je soupire. Vingt-sept ans. Vingt-sept ans que je la connais. Vingt-sept que je la déteste. Vingt-sept ans que j’évite toute conversation.
J’ouvre l’enveloppe et m’empare de la lettre.
Commence à lire.
Eh, regardez, y'a personne qui est mort, elles sont toujours en couple et Pol a des nouvelles de sa mère, serait-ce un happy ending ? Genre, je sais faire ça, moi ?
J'arrive pas trop à réaliser que c'est déjà la fin de cette génération, elle est allée si vite ! Le fait qu'elle soit moitié plus courte y est sans doute pour quelque chose, mais du coup c'est quelque chose de très bizarre, je l'ai finie en moins d'un an, wouhouu (je l'ai finie en très précisément 6 mois, je suis choquée)
Ne vous inquiétez pas, on reverra Pol, bien sûr, mais je n'en dis pas plus.
Parlons de la prochaine génération ! Elle n'est pas du toute prête. Normalement, je finis mes générations après novembre et j'ai donc le nano pour prendre max d'avance, mais là, je finis en octobre, ce qui est fort peu pratique, car je n'ai aucun chapitre d'avance. En plus de ça, je travaille sur un autre projet (sans vouloir trop spoiler, ça concerne deux gens qu'on connait et c'est gay), que j'aimerais poster sur mon blog bazar, du coup je sais pas trop quoi faire, j'ai trop de projets, et en plus de ça je dois taffer mon projet de master création littéraire, si je veux être prise, et aaaaaah.
Je ne pense pas revenir avant l'année prochaine, au mieux, je reviendrai début janvier. Ca me déprime d'avance parce que poster ici et lire vos commentaires me rendent tellement heureuse et j'en ai besoin en ce moment, donc allez commenter un max le legacy chez les Vanek à la place (non, c'est pas de la pub, aimez moi svp).
Et en attendant, vous pouvez aller lire mes quelques entrées du Sapphic September, c'est sur le Ellierpe, et sans vouloir spoiler (en vérité je veux spoiler, me forcez pas), certains textes sont canons, c'est ici : Sapphic September
Bref, à bientôt avec Calliope, je vous aime, merci de suivre l'aventure de mes petites muses depuis si longtemps ♡♡♡♡
PS : les titres des quatre derniers chapitres proviennent de la chanson Mamère d'Eddy de Pretto qui correspond énormément à Pol et Euterpe, allez l'écouter et l'album en entier aussi, parce qu'il est incroyable et je vais le voir en concert je suis trop heureuse, aaaah---